Les gens s’accoutument plus vite qu’on ne le pense, même aux pires situations. Et, qu’on le veuille ou non, une certaine routine finit par s’installer. Généralement, on se souvient du passé, de la menace zombies qui rôde. Parfois, on oublie. C’était une de ses soirées où les gens voulaient, cherchaient à oublier. Le centre de connaissance de Cassandre ne s’était pas agrandit depuis la première fois où elle avait rencontré Alec. Mais bon, il y avait au moins lui. Et ce n’était pas rien. Il parle beaucoup, ce pouvait être rare, un gars qui parle beaucoup, comme quoi ce n’est pas une maladie touchant seulement les filles. Il était gentil. Elle s’était demandée, pendant quelques secondes, si elle n’aurait pas préféré qu’il soit tout le contraire, peut-être cela aurait-il été plus facile pour elle et son secret, elle et sa crainte des autres. Mais non, elle l’aimait bien comme il était, et puisqu’il ne semblait pas se poser trop de question sur l’aspect de ses yeux, alors tout allait pour le mieux.

Ils leur arrivaient de courir ensemble, cela s’avérait une activité agréable, presque libératoire, défoulatoire. Et puis, le dit beau blond lui parla d’une fête organisée. Cassandre n’avait pas caché son scepticisme. Il l’avait invité, ce qui l’avait surprise, et elle avait répondit de manière évasive qu’elle viendrait, sans trop paraître assuré. Une fête ? Étais-ce une bonne idée? N’étais-ce pas tout simplement déplacé d’appeler ça une fête ?

La soirée était arrivée. Cassandre était de moins en moins sûr de vouloir y aller. Il y a un temps, elle n’aurait pas hésité. Mais les temps avaient changé. Elle avait soupiré devant le miroir, regardé de près et de loin ses yeux. Il faisait plutôt sombre, maintenant. Ses pupilles dilatés dans la noirceur n’avaient plus rien de vraiment anomal. Elle sortit en jeans bleu, haut noir et petite veste de couleur claire. Soucieuse, peur d’avoir envie de les mettre durant la soirée, et trouvant cela sécurisant, elle glissa ses lunettes de manière à ce qu’il tienne sur le rebord de sa camisole.

Il était toujours temps pour laisser tomber. Elle arriva néanmoins, et il était là à l’attendre. Il serait content de voir qu’elle ne portait pas ses lunettes devant les yeux, déçu de voir qu’elle les avait tout de même apporté, contraint d’avouer que ses yeux semblaient des plus normaux en cette soirée. Si elle ne regardait pas les lumières en face, peut-être pourrait-elle sauver les apparences, peut-être resteraient-ils normaux une bonne partie de la soirée, peut-être n’aurait-elle pas l’air d’un alien.

Elle arbora un sourire, et le salua en retour. « Ça va? ». Une question habituelle. La réponse variait d’un moment à un autre. Elle affirma : « Ça va. » Elle se hasarda : « C’est une belle soirée. » Et elle lui retourna la question : «Et toi ? ». Ils marchaient ensemble en direction de la fête.

-Ils ont fait tout un effort sur la déco' on dirait. » Oui, en effet ! Pendant un instant, on aurait cru à l’illusion. Comme de se retrouver dans un autre monde. « Je me demande où ils ont pu trouver tout ça. » À moins que tout le monde ait contribué à fouiller dans les maisons pour sortir de vieilles déco qui n’avait plus servit depuis deux longues années.

-Je suis content que tu sois venue. J'avoue que je ne savais pas trop si tu dirais oui ou non.

Elle eut un mince sourire. « J’ai dit "peut-être". » Elle haussa les épaules, gardant son petit sourire. « Et puis, je me devais au moins de jeter un coup d’œil, pour voir si ça en valait la peine. » C’était faux, mais bon.

Cassandre était, même vaguement, obligé de considérer Alec comme un ami. Car il était loin d’être une simple connaissance. On ne faisait pas de jogging avec une simple connaissance, on n’allait pas à une fête avec une simple connaissance. Alors oui, même si elle ne savait pas trop quoi penser de cette soit disant amitié. Il semblait content de la voir, c’était réciproque. Et puis, quitte à s’être déplacé, n’était-elle pas en obligation d’essayer de s’amuser ? Ou au moins de faire semblant, jusqu’à ce que cela devienne vrai. À son commentaire sur la beauté de la soirée, Alec renchérit en désignant le ciel. La jeune femme leva alors la tête. Il avait raison. Le ciel était merveilleux. Étrangement, c’était toujours réconfortant de voir que des choses ne changeaient pas, ne changerait pas. Et puis, les étoiles la nuit faisaient partie d’un spectacle qu’on ne pouvait pas réellement se tanné de voir. Il lui affirma qu’il allait bien, qu’il était toujours en forme. Ce à quoi elle répondit par une exclamation : « Tu m'étonnes ! » Non, parce qu’il faisait de l’exercice physique, et parce qu’il avait franchement l’air très en forme pour un adolescent.

Elle le détailla elle aussi brièvement des yeux, geste anodin et totalement normal. Il semblait égal à lui-même. Ils marchèrent ensemble et parlèrent de la décoration. Il lui expliqua qu’avant c’était le royaume des lumières, et lui demanda si elle avait déjà vu des images. Elle hocha la tête et affirma simplement : « Las Vegas, la cité de la lumière. Oui, c’est vrai. » Cité spectacle, cité casino. Il ne restait plus grand-chose de sa gloire passée. Les lumières de noël. Les fameuses décorations de Noël. Avait-il vraiment choisit ce thème, pour une fête de réjouissement ? Ce n’était pas très réjouissant de savoir que l’on passait le "temps des fêtes", une autre journée, une autre année loin de sa famille. Elle s’arrêta de marcher, lorsqu’il en fit autant.

-Et qu'est-ce qui a transformé ce peut-être en un oui?

Surprise de la question, ignorant plus ou moins la réponse, elle ouvrit la bouche, la referma. « Eh bien, je… » Ne surtout pas lui dire que c’était lui qui l’avait fait plier. « Je me suis dit que c’était le bon moment pour me mêler un peu à la foule. » Tant qu’à dire n’importe quoi, elle aurait pu trouver quelque chose de mieux. Il était bien improbable qu’elle ait voulu se mêler à la foule, compte tenu de ce qu’Alec savait d’elle.

Et puis, ils y arrivèrent. L’idée de mettre ses lunettes lui vint alors, ses doigts bougèrent en accord avec cette pensée. Elle dû se retenir, se rappeler qu’il ne verrait rien, qu’il n’y avait rien à voir. Alec lui demanda alors ce qu’ils pouvaient faire, lui énumérant des choix, la prévenant par la même occasion qu’il n’était pas bon danseur – ce qui la fit sourire. Son sourire s’effaça bien vite lorsqu’il lui proposa de la présenter à quelques personnes de sa connaissance. En avait-elle vraiment envie ? Oh et puis merde, ça ne pouvait pas réellement la tuer ! Il fallait qu'elle arrête de paranoïer Elle retrouva rapidement son sourire. « Je dis oui pour la bière, et je te laisse la voix libre pour le reste. » Et puis, elle ajouta, malicieuse : « Mais la musique est bonne ».

HS - « La ville lumière, c'est Paris »
Tien, c'est pas faux xD Détail, lol.

Il avait l’air de croire à sa réponse, à propos du pourquoi elle avait changé et était venu à la fête. Avait-elle été si convaincante ? Elle n’aurait pas cru. C’était étrange comme il ne remettait jamais en doute ses paroles. D’abord ses yeux, ensuite ça. Et bien, tant mieux, après tout, sinon, après l’épisode du parc, ils ne seraient certainement pas en train de se parler à présent.

Il acquiesça pour la bière. Quel homme aurait refusé ? Quel homme aurait refusé une bière gratuite – c’était toute une tentation à finir la soirée saoul, ça. Ils allèrent donc ensemble récupérer de quoi se désaltéré. Il lui tendit une bière, elle le lui rendit, en lui demandant, avec un sourire contrit, s’il pouvait le lui ouvrir. Après quoi, elle répéta avec lui le fameux mot de circonstance. Même si, en théorie, souhaité la santé pouvait paraître fou – boire de la bière ne pouvait pas rendre vraiment en santé.

-Dis, au fait, quel âge as-tu?

« Bonne question! » Elle profita d’une gorgée pour se gagner du temps à y réfléchir. Non, c’est que, dans un laboratoire, c’est difficile de tenir un compte des mois et années passées. Mais elle savait la date, pour l’avoir demandé. Elle termina sa courte gorgée, répondit : « 19 ans ». Et cela lui parut tellement improbable, à elle qui avait vécu ses deux dernières années dans un trou noir. Elle aurait pu lui répondre dans les 17 ans, peut-être cela aurait-il revenu au même. « Et toi, alors ? » Il répondit, et elle eu raison de croire qu’il n’était pas tellement plut jeune qu’elle.

Ils s’éloignèrent du bar, pour plus de tranquillité, et s’approchèrent ainsi du plancher de danse. Alec s’en était-il rendu compte ?

-C'est quoi ton genre de musique à toi? » Elle ouvrit la bouche, pour répondre du tac au tac qu’elle aimait la musique qui bougeait, justement. Mais, comme s’il était dans sa tête, il la prit de court : « À part de la musique pour danser bien sûr! » Elle eut un court rire, peut-être le premier vrai depuis qu’ils se connaissaient. « Et bien, alors, je ne sais plus. » elle haussa les épaules. « À vrai dire, je n’ai pas de genre en particulier. » Elle conclut, avec un sourire : « J’aime toute sorte de musique. » Cela dit, avec la fin du monde il ne devait pas y avoir eu beaucoup de nouveau genre.

Non, aucune originalité à retourner la question de l’âge. Tout comme n’importe quel autre question. Mais pourquoi être original ? Au moins, l’intérêt y était. Si elle ne lui avait pas retourner la question, il aurait pu se questionner sur sa motivation à dialoguer, même si, clairement, elle laissait le lead à Alec. Et puis, il lui répondit qu’il avait 20 ans, ce qui lui fit prendre une drôle d’expression sceptique. Elle en doutait… juste un peu. -Quoi, tu ne me crois pas? » Elle secoua la tête de gauche à droite, se retenant de tout commentaire. Puis, il rectifia en lui disant l’heure juste. 17 ans était un bel âge, en espérant qu’il ait l’opportunité de vieillir un peu. « Je t’aurais donné 18, moi » Dit-elle avec un ton qui voulait dire : d’accord, peut-être pas, mais ça te remonte, non ? Et puis,18, ça lui donnait au moins la majorité dans certains pays, si ce n’était pas le cas en Amérique.

Oh, bien sûr que sa réponse fut plate. Ce n’était pas juste parce que la vérité pouvait s’avéré plate, mais aussi parce que Cassandre ne s’était pas étendue sur le sujet. Cela ressemblait à une réponse passe-partout, même si c’était malheureusement vrai. Elle ne pouvait pas quand même s’inventer un groupe rock préféré juste pour lui plaire – s’il aimait le rock, évidemment. Mais elle aurait pu faire un effort. Il lui dit trouver ça cool, ce qu’elle doutait un peu. Il ajouta, ce qui l’impressionna presque, qu’il avait en sa possession un petit bijou de la technologie qu’il avait réussit à sauver du désastre planétaire. Et qui en plus avait une banque de chanson à mourir. Attention, les accros de la musique présent à la fête pourrait l’entendre, on pourrait tué pour un Ipod avec 800 chanson, on avait déjà tué pour moins que ça. Cassandre fut tenté d’en faire une blague, se retint, trouvant finalement le commentaire aussi plate que sa réponse sur la musique.

Il y eut ensuite un moment de silence, qu’elle ne remarqua que lorsqu’il s’étendit. Elle leva alors les yeux vers lui. Il fallait qu’elle dise quelque chose. N’importe quoi. « Est-ce que tu te rends compte qu’à chaque fois qu’on se voit, c’est au parc ? » C’était quand même vrai… Bon sang, elle n’était franchement pas de super bonne compagnie. Elle passa une main dans ses cheveux, pour les ramener vers l’arrière. Elle fit un effort, et prit finalement la parole, avec une petite moue amusée. « On a déjà épuisé les deux premiers choix. On est aller se chercher une bière, elle leva sa bouteille pour le prouver, on a discuter, elle eut l’air d’hésiter comiquement sur cette partie-là, Tu as discuté, concéda t-elle finalement. Alors, je crois qu’il nous reste 2 choix : trouver tes amis dans la foule, ou danser. » Ce n’était pas qu’elle tenait spécialement à danser, loin de là. Mais elle ne tenait plus en place, et, à vrai dire, c’était mieux que de trop réfléchir et de s’embourber dans le monologue qu’elle était en train de faire. Elle leva un doigt pour l’arrêter, et continua banalement, d’un ton qu’elle voulait sérieux, même si elle ne l’était pas dans ce qu’elle disait : « Mais avant que tu me donnes ta réponses, saches qu’on peut tout aussi bien inventer le choix numéro 3 et décidé d’aller boire avec les fêtards là-bas. » Et elle pointa du doigt quelques hommes dans la trentaine, en état d’alcool avancé, qui semblaient s’amuser et harcelaient presque le donneur de bière. Elle conclut, dans un haussement d’épaule : « Après, tu pourras me montrer ton Ipod, car je ne te crois pas » 800 chansons, qui trouvaient le temps d’écouter ça ? Et puis, mais elle hésita sur ce coup, elle finit par dire : « Mais comme ma dernière réponse sur la musique était nulle, je te donne aussi la permission de me poser une autre question en retour » Ce qui sous-entendait qu'elle allait y répondre en faisant une phrase complète, information constructive et complément compris.

HS- Tu voulais une fille qui parle, je peux pas faire mieux, là, c'est mon max x)

Elle lui avait dit que, étrangement, ils se voyaient toujours au parc. Ce à quoi il lui répondit : -Maintenant que tu en parles, je réalise que c'est vrai! Ajoutant que la cause en était simple : Cassandre ne sortait pas beaucoup, pas facile alors de la croisé ailleurs que dans ce lieu. Elle acquiesça d’un mouvement de tête, réalisant par la même occasion qu’il avait totalement raison. « En même temps, au moins, je ne peux pas me perdre si je vais juste au parc. » Pas totalement faux, mais pas très puissant comme argument pour se remonter un peu. Ce voir en dehors du parc leur ferait bizarre, s’ils en décidaient ainsi.

-Ok, mais allons-y dans l'ordre, parce que là, t'as bien failli m'embrouiller, au fait, tu es certaine que ça va, que tu ne fais pas de fièvre? » Elle fit la moue à cette taquinerie. Il faudrait qu’elle trouve un entre milieu entre pas assez et trop parler. Il alla même jusqu’à poser une main sur son front, pour être bien sûr, et elle lui répondit : « C’est ça, ta question ? » Apparemment, non, ça ne comptait pas comme une question. Elle n’allait donc pas répondre, au risque de s’enfoncer.

Les discussions sont bien plus difficile à entretenir ici qu’avant l’apocalypse. Pensez-y bien, il y a des questions que l’on ne peut plus poser : À tu un animal de compagnie ? Oui, mais il s’est fait manger dernièrement. Aimes-tu les chiens ? Je les aimais, mais ils sont devenus très agressifs, dernièrement. Quelle sorte de voiture conduis-tu ? Ça existe encore ? ; le char d’assaut, peut-être ? Est-ce que tu as des frères ou des sœurs ? Tu veux dire, pour ce qu’ils en restent ? – ils ont été grignotés. Tu comptes faire quoi, plus tard, après tes études ? Essayer de ne pas me faire manger, comme les élèves de mon ancien lycée. Etc. » Ça ramène involontairement de mauvais souvenir en mémoire. Mais il restait toujours les questions d’ordres générales, l’âge, la musique, les films, le sport, le repas. D’ailleurs, Alec choisit comme question de remplacement de lui demander quel est son repas préféré. « Tu me diras que c’est pas très original, mais hamburger – fritte. C'est qu'on avait l’habitude d’en manger parfois le vendredi soir entre amies avant de sortir. » Elle lui sourit. « Et je ne crois pas que tu puisse être si mauvais danseur. »

Non, bien sûr que la question sur la fièvre n’était pas la véritable question. Ç’aurait été une question perdue, tout d’abord. Ensuite, il était clair que cela n’avait rien d’une question sérieuse. Il le lui affirma, en prenant un drôle d’air, qu’il ne s’était s’agit que d’un blague. Elle aussi blaguait, sachant que ce ne pouvait pas être véritablement la question… peut-être n’aurait-elle pas dû avoir l’air si sérieuse en répondant. Oh, ça y est. Elle allait passer pour une fille coincée. C’était bien commencé, en tout cas. D’abord, elle n’avait pas eu la conversation facile, ensuite elle ne réagissait pas comme il se devait aux plaisanteries. Et bien, la seule manière de ne pas laisser l’image de la frigide Anglaise à Alec était de se laisser un peu aller, d’oublier tout, abbbbbsooooolument tout et de lui montrer qu’elle avait aussi du sang Américain dans les veines. Elle pouvait au moins essayer, prétendre qu'elle était normal pour une seule soirée. Il sembla légèrement surpris, quand elle lui mentionna que son repas favoris avait à voir avec les hamburgers et les frittes. Il devait s’attendre à autre chose. Gardant son sourire, car décidément ce devait être un bon souvenir, Cassandre expliqua sommairement : « Une de mes amie craquait littéralement pour un des serveurs. Il aimait les hamburgers ; du coup elle en mangeait, nous la soutenions. Le serveur a démissionné. Et on est devenues accro. » Et la scène lui revint facilement, alors qu’elle se revoyait taquiner sa dite amie en l’accusant avoir causer la démission du pauvre serveur qui n’avait rien demandé à personne. Tout semblait bien loin désormais.

Il en vint à lui confier que personne ne lui avait montrer à danser, et lui expliqua même la technique qui lui avait permit de passer à travers le secondaire sans se ridiculisé. « Tu jouais la carte du voyeur sympathique qui débarque au bon moment pour un petit slow ? » Elle avait un air amusé. « Et ça marchait ? Je veux dire : c’était une bonne technique de drague ? » Elle aurait pu parier que oui. Qui ne voudrait pas danser un slow avec un bon jeune homme ? Elle passa sa main sur sa bouche, mimant le fait de se zipper les lèvres. D’un ton plus sérieux elle dit : « Promis je ne trahirai pas ton secret. » Et il lui demanda si elle, elle savait danser. Elle haussa les épaules « Ouais. Si ma tête est rouillée, j’ose espérer que mon corps se rappelle comment ça marche. » Elle prit une dernière gorgée de bière et déposa sa bouteille à la même place qu’Alec. Contrairement à lui, elle ne l’avait pas terminé. Le gaspillage, c'est pas beau, mais il ne faut pas virer fou non plus. Elle lui tendit la main, l’invitant sur la piste pour danser. Et même s’ils dansaient tous les deux comme des pieds, l’idée n’était-elle pas de s’amuser ? Bon, après, c’était Alec qui avait des amis ici, il avait plus de pression qu’elle. « Tu viens ? »

Peut-être y avait-elle été un peu fort en l’appelant le voyeur. Enfin, elle avait quand même précisé « voyeur sympathique ». Il y a quand même pire que ça, il aurait pu être un voyeur psychopathe. Mais tout ceci avait quand même été dit sur le ton de l’humour, il n’avait pas à le prendre mal. Il bredouilla néanmoins un début de réponse, visiblement mal à l’aise, et tenta de s’expliquer. Elle fut un peu surprise et mal de sa réaction, n’envisageant pas être capable de le mettre mal à l’aise. Elle lui donna une petite tape amicale sur le bras, retrouva son sourire et dit avec du rire dans la voix : « Je blaguais, relaxe ! »

Alec réussissait toujours à la mettre à l’aise, tranquillement. Et elle devait se permettre d’être à l’aise avec lui. Arrêter de se freiner, arrêter de craindre. Elle ne pouvait s’en empêcher, et l’ombre de son secret et de ses deux dernières années planaient sans cesse au dessus d’elle. Mais elle était une jeune femme amusante avant, pourquoi cela devrait-il changer radicalement ? Si elle changeait sa façon d’être, ne laissait-elle pas les méchants qui lui avaient fait ça gagner ? Ça pourrait faire l’objet d’un débat, dans une autre soirée. Celle-ci n’était pas à la réflexion.

Cette soirée-ci était plutôt à la danse. Alec semblait plutôt pessimiste, par rapport à la danse. Il espérait en tout cas que Cassandre se souvienne. Ils feraient la paire, dans le pire des cas. Malgré ses réticences, il prit sa main et la suivit sur le plancher de danse. Il ne semblait pas très à l’aise, regardant très souvent ses pieds, accrochant les siens. Cassandre, qui semblait déjà mieux se débrouiller, ne regardait pas tellement ses propres pieds, mais davantage, pendant un instant, ceux d’Alec. Lorsque l’adolescent releva la tête, il put voir son air amusé à elle. Elle s’arrêta momentanément de bouger et posa ses mains sur les bras d’Alec. Elle eut un sourire. « Tu es crispé, détends toi où on va croire que je te martyrise. » Ce qui était peut-être le cas, finalement, puisqu’elle l’avait poussé à embarquer sur la scène.

-Sérieux... je crois qu'il va falloir que je me pratique. » Ce à quoi elle répondit : « C’est le bon moment, je trouve. » Et elle lui attrapa les mains, et tenta de lui dicter pour coordonner leurs pieds. « Tu sais, c’est pas si important de savoir bien danser ». surtout dans des jours comme ceux-ci.

On ne pouvait franchement pas inviter une fille à une fête, et espérer échapper au plancher de danse – à moins, bien sur, que ce dernier soit inexistant. Du coup, ce ne devait quand même pas être une énorme surprise pour Alec. Il aura au moins pu se préparer mentalement. Et puis, l’idée n’était pas de se prendre la tête. D’ailleurs, sur un de ses commentaires, Alec sembla se détendre un peu. Leur regard se croisèret, pour une des rares fois où elle ne portait pas ses éternels lunettes fumées. Et, pour une des rares fois, l’envie ne la tenaille pas de se cacher les yeux, peut-être effectivement parce qu’il avait l’air plutôt normal. Elle n’aurait pu expliquer ce phénomène, même si elle l’avait remarqué – elle passait son temps à regarder ses yeux, il semblait que dans la noirceur ses pupilles se dilataient et retrouvait alors une grandeur normal pour des pupilles, même s’ils conservaient une petite courbe en forme d’amande. Mais qu’importe ses yeux, il est bien plus intéressant de ce pencher sur ceux d’Alec !

Cassandre trouva qu’il s’améliorait. Au moins, il ressortirait de cette soirée grandit. Plus détendu, il lui sourit et lui mentionna qu’il aimait bien s’accomplir dans ce qu’il faisait. La jeune femme laissa échappé un : « Oh, performant ? »

Lorsque la première chanson se termina, il lui demanda : -Et puis? » Elle fronça un peu les sourcils, les haussa, puis, en plaisantant, lui dit : « Et puis quoi ? » Courte pause. « Ah ! Est-ce que c’est à ce moment que je suis censé te dire que tu danses comme un Dieu ? » Il n’y avait aucune méchanceté, aucune mesquinerie là-dedans. En même temps, elle hocha la tête pour lui dire qu’il s'en sortait bien.

Finalement, Alec aura eu droit à son fameux slow. Il semblait ravi, c’était même peu de le dire. Cassandre secoua la tête de gauche à droite, désabusée, un fin sourire aux lèvres. « Impressionne moi » lui dit-elle alors, banalement, sans arrière penser. Mais Alec s’était presque vanté ne danser que des slow, il se devait donc d’être plus que performant, sur ce coup ! Et elle se laissa transporter, oubliant où elle se trouvait. Les organisateurs avaient bien fait ça, les rues de New Eden s’effaçaient dans la noirceur ; ils avaient créés un petit cocon de lumière, de musique et d’ambiance. Ils s’en étaient donnés du mal, pour leur changer les idées. Elle lui demanda, à un moment : « Tu as dit que tu aimais bien t’accomplir dans ce que tu faisais. Je sais que tu cours assez souvent, mais à part ça, tu fais quoi ? » Ça pouvait aussi désigner le passé, toutes les choses dans lesquelles ils s'accomplissait, aimait s'accomplir.

-C'est moi où tu commences vraiment à prendre plaisir à tout ça? Elle pourrait presque en prendre goût, même. Pourquoi s’en empêcher, si lui-même la taquinait légèrement ? Et puis, il semblait bien prendre la chose. Et elle fut contente de voir qu’il réagissait. Autant continuer sur cette merveilleuse lancée, ne pas s’arrêter en si bon chemin. Ils en avaient certes beaucoup à en apprendre l’un sur l’autre. Ça viendrait, tranquillement, à force de se voir et de se revoir. Il y aurait toujours des points sombres, mais Cassandre ne semblait pas jeune femme à s’étendre sur sa vie.

Il était décidément meilleur dans le slow. Plus d’assurance, plus de fluidité, moins coincé, et aucun faux pas désastreux qui lui aurait réduit en bouillit les pieds. Elle se laissa conduire, le regard perdu devant elle, elle pensa à un moment à l’ironie de la situation. À quel point elle pouvait se sentir bien présentement et se laisser aller, et combien ce moment était emprunté dans le temps, une petite bulle dans le monde désastreux des zombies. Mais elle s’était dite qu’elle n’y penserait pas ce soir.

Il répondit à sa question, lui disant qu’il essayait d’aider la communauté. Elle se rendit alors compte à quel point il voulait s’impliquer dans New Eden, à quel point aider les autres pouvait compter pour lui. Il lui dit aussi qu’une amie l’aidait, l’entraînait. Ce qui était le meilleur moyen de survivre. Il ajouta qu’il voulait devenir garde, et termina par : …mais pour le moment, je fais plutôt des tâches manuelles, rien de bien palpitant, mais qui doit se faire. Il était assez occupé, quoi. Un peu tout le contraire d’elle. « Tu n’arrêtes donc jamais ? » Un sourire. « Être garde, c'est vraiment quelque chose qui te motive ? »

Et puis, il lui retourna la question : -Et toi? Qu'est-ce que tu fais pour t'accomplir? Oh, ça c’était une bonne question. Meilleur que celle sur l’âge. Elle devait y réfléchir. Elle voudrait répondre qu’elle aimerait se venger de quelque chose, ne le peut pas. Elle opta pour une touche d’humour discutable : « J’apprend à un jeune homme comment danser. » Tout un accomplissement !

Cassandre n’était pas du genre très optimiste, en ce qui concernait leurs avenirs à tous. Elle aurait aimé l’être, mais cette partie d’elle semblait avoir fondu dans les laboratoires d’Hélios. Elle aurait aimé pouvoir être certaine d’un avenir quelconque. Mais quelle sorte d’avenir lui était-il réservée ? Peut-être re-futur rat de laboratoire, s’ils la retrouvaient ? Ou bien zombie ambulant. Elle pourrait aussi mourir, dans un avenir plus ou moins rapproché : rien n’était garantie. Et sa famille ? Évidemment mort. Ce qui devait être le plus pénible, à vrai dire, n’était pas d’être incertain sur le futur, de craindre le présent, mais bien d’être dans l’ignorance de ce qui était arrivé à sa famille. Non, Alec avait bien raison de s’occuper et de ne jamais s’arrêter, ça évitait de trop penser, ou de déprimer seul dans un coin. Et puis, il fallait bien profiter de chaque instant.

En réponse à une de ses questions, Alec lui expliqua qu’être garde était un bon but pour lui et qu’il était prêt à mettre les efforts pour atteindre ce but. Il termina en disant qu’avoir des buts était important pour lui. Peut-être avait-il raison en disant que sinon on il avait, on pouvait avoir l’impression d’aller nulle part. Il fallait un but. Elle en avait un, désormais. Elle hocha la tête, acquiescent, comprenant. « Je suis sûr que tu feras un super garde. » Et elle le pensait réellement. Il avait les qualités pour, en tout cas.

-Ahah, bonne réponse. Il lui avait retourné la question, lui demandant si elle faisait quelque chose pour s’accomplir. Elle avait contournée. Pourtant, il sembla aimer son sens de la répartie, et aimer sa réponse. Elle s’en sauvait alors très bien. Elle lui sourit en réponse. « Je trouve aussi. »

La musique du slow prit fin. Et, pendant un court instant, mais un instant pareil, elle rencontra son regard et, chose étrange, déconcertante, il replaça une mèche de cheveux derrière son oreille. Et puis, il redressa la tête, mine de rien, et une musique entraînante reprit le flambeau. Il ne sembla pas vouloir continuer à danser, car il se saisit de sa main et l’entraîna hors du plancher de danse.

-Je pense qu'on a assez dansé pour ce soir! Elle ne protesta pas. Elle aussi trouvait qu’ils avaient assez dansé. « Tu n’as pas envie de me montrer tes nouveaux talents de danseur ? » Ils s’arrêtèrent, hors de la zone maintenant déclarée interdite de séjour. « Tu as soif ? » Peut-être trop tard pour la bière, surtout qu’ils ne devaient pas avoir une énorme réserve, mais de l’eau.

-Une autre fois peut-être. Cassandre eut une moue ironique et amusée. Pourquoi en doutait-elle à ce point ? Il ne semblait pas très pressé de se remettre à danser. Il en avait eu son quota, ne ressentirait plus le besoin de danser avant un méchant bout de temps. Mais qui sait, peut-être, il ne fallait pas désespérer.

Elle lui demanda ensuite s’il avait soif – car elle oui. Ce à quoi il lui répondit : -Ouais. Allons nous chercher un peu d'eau. Je crois qu'ils distribuaient des bouteilles là-bas. Merveilleux ! Ils avaient pensé à tout, on dirait. Ils arrivèrent à la table où une dame d’un certain âge, souriante, leur posa une question auquel ils semblaient devoir répondre pour avoir le droit aux bouteilles d’eau. C’était fair. Elle leur demanda alors comment ils avaient trouvé la soirée jusqu’à maintenant. Elle tourna la tête vers Alec, alors qu’il répondait avec un enthousiaste certain. Elle hocha la tête, approuvant ses paroles. Puis, les deux têtes se tournèrent vers elle. Elle fut un instant pris au dépourvu, pensant que ce qu’avait dit Alec la dispenserait de dire quelque chose. Elle se reprit rapidement, tourna la tête vers la madame aux questions et répondit : « Oui…! Super. J’aime l’ambiance, la musique, le plancher de danse Et elle jeta un coup d’œil furtif à Alec à ses paroles Ça permet de se changer les idées. »

Après quoi, ils purent s’éloigner avec leur eau et boire un peu. Cassandre les orienta vers une petite table libre, où elle s’installa sur une chaise. « Est-ce que tu connais quelqu’un, à cette petite fête ? » Et bien oui, des fois les gens y viennent, rencontrent d’autres gens et des amis. Mais il l’avait invité, traînait avec elle et n’avait pas dit allo à quiconque d’autre, sauf peut-être la dame aux bouteilles d’eau. Inutile de lui retourner la question, elle ne connaissait personne tout court. Elle devrait peut-être faire un effort pour élargir son cercle de connaissance. Elle devrait. Ce pourrait faire partie de sa probable future liste de but.

À sa question des plus pertinentes, Alec balaya du regard les environs – à la recherche manifeste de connaissance. Elle tenta de suivre son regard, lorsqu’il se posait quelque part, sans grand succès. Elle reporta son attention sur sa bouteille d’eau, en prit une autre gorgée. Puis, Alec lui reporte son attention. Elle aurait pu alors parier, avant qu’il n’ouvre la bouche, qu’il avait flairé son poisson. Il commença alors à les lui désigner, en lui faisant part très sommairement de leur historique. Un garde, une qui aurait sûrement pu l’être et le colocataire. Le fameux colocataire – pas si fameux que ça vu qu’elle n’en avait que vaguement entendu parler, à leur première rencontre. Du coup, elle dut demander : « C’est lequel, celui-là ? Celui avec la sœur ? » Elle avait bien une chance sur deux de tomber juste.

Après quoi, Cassandre regarda Alec se lever et lui dire : -Tu viens? Je vais te présenter à Jason. Ah bon ? Ah oui. « Heu, ok… » Elle aurait dû s’y attendre d’ailleurs : on ne pose pas une question comme elle l’avait fait sur les connaissances d’Alec à la fête, sans risquer de les rencontrer. Elle fronça vaguement les sourcils. Ce n’était pas tellement une proposition, ou une proposition qui ne semblait pas vouloir souffrir d’un refus. Déjà, Alec se dirigeait vers son colocataire. Cassandre soupira, mélangée d’envie et d’appréhension ridicule, attrapa sa bouteille et suivit le mouvement. En s’approchant, elle sentit une vague de chaleur l’envahir et ne cessa de se répéter mentalement en boucle que ses yeux étaient corrects. Puis, elle s’asséna une claque mentale, pour cesser ce manège ridicule, car elle savait que c’était le cas. Et se trouva alors stupide d’avoir voulu amener ses lunettes fumée comme d’une bouée de sauvetage, car les mettre en pleine noirceur aurait été très déplacé. Elle prit une grande respiration. N'y pense plus.

Son colocataire/ami semblait bien content de le voir. Suite à quoi, Alec décida de laisser plus de place à Cassandre, comme s’il voulait qu’elle devienne le centre d’intérêt. C’était vaguement gênant, ça. D’ailleurs, il ne tarda pas à la présenter. Elle sourit, salua et répondit à la question d’usage en répondant Londres. Les deux jeunes hommes l’oublièrent un instant pour parler de la sœur manquante.

-C'est bizarre ça... C'est pas comme si Cassandre et moi on était parti se cacher... Non, quand même pas ! D’ailleurs, il n’y avait pas vraiment d’endroit où se cacher intentionnellement. À moins que la sœur n’ait pas cherché sur la piste de danse, ne pensant pas y trouver Alec. D’ailleurs, Jason, qui leur demanda ce qu’ils avaient fait, pouffa de rire lorsqu’Alec mentionna la danse. Cassandre se retint alors manifestement d’en faire autant, petit sourire en coin qu’elle cacha le mieux possible. Jason lui demanda alors : "comment est-ce que tu as réussi à le convaincre?". Elle tourna la tête vers Alec, quelques secondes, avec un mince sourire avant de revenir à Jason, auquel elle répondit simplement : « En fait, c’était pas très compliqué : je lui ai simplement demandé… j’ai eu l’impression de l’amener à la potence mais au final, il a dû aimer ça, puisqu’on a danser sur plusieurs chansons. » Elle haussa les épaules, innocemment. Elle tourna la tête vers Alec et demanda : « Je ne t'ai pas tordu un bras, si ? »